Joachim DU BELLAY
(1522-1560), Les Regrets, « Heureux
qui comme Ulysse »
Heureux qui, comme
Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui
conquit la toison,
Et puis est retourné,
plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents
le reste de son âge !
Quand reverrai-je,
hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et
en quelle saison
Reverrai-je le clos de
ma pauvre maison,
Qui m'est une province,
et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour
qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains
le front audacieux,
Plus que le marbre dur
me plaît l'ardoise fine :
Plus mon Loir gaulois,
que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré,
que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin
la doulceur angevine.
Pierre de Rossard, Sonnets pour Hélène, 1587
Quand vous serez bien
vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu,
dévidant et filant,
Direz, chantant mes
vers, en vous émerveillant :
Ronsard me célébrait du
temps que j’étais belle.
Lors, vous n’aurez
servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi
sommeillant,
Qui au bruit de mon nom
ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de
louange immortelle.
Je serai sous la terre
et fantôme sans os :
Par les ombres myrteux
je prendrai mon repos :
Vous serez au foyer une
vieille accroupie,
Regrettant mon amour et
votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez,
n’attendez à demain :
Cueillez dès
aujourd’hui les roses de la vie.
Raphaël, L'Ecole d'Athènes:
Raphaël, La Transfiguration:
QUESTION DE CORPUS: En
quoi ces poèmes et ces tableaux sont-ils humanistes?
Nous allons étudier deux tableaux ainsi que deux poèmes
appartenant au mouvement humaniste. Le premier poème s’intitule "Heureux
qui comme Ulysse" de Joachim de Bellay, et est extrait du recueil de
poèmes Les regrets. Le second est une œuvre du poète Pierre de Ronsard, nommée
"Sonnet pour Hélène". Nous étudierons également L’Ecole d’Athènes du
peintre italien Raphaël, puis La Transfiguration de Raphaël.
En quoi ces poèmes et ces tableaux sont-ils humanistes ?
Dans un premier temps, la place centrale de l’Homme et la
connaissance sont très largement évoquées dans le tableau L’Ecole d’Athènes où
la scène qui a été peinte se passe dans une école, lieu où les Hommes viennent
assouvir leur soif de connaissance. Ce tableau met en scène les philosophes de
l’Antiquité, entourés de leurs disciples. Aussi, on peut noter que ce tableau
se décompose en deux plans : au premier plan, on peut voir des hommes assis sur
des marches en train d’écrire et de lire des textes. Ensuite, au second plan,
nous pouvons voir que les lignes de fuite se croisent au milieu du tableau,
c’est-à-dire sur les deux personnages centraux, Platon et Aristote, grands noms
de l’Antiquité. Enfin, derrière ces deux personnages, nous pouvons distinguer
le ciel, que l’on pourrait assimiler à un rappel aux divinités. Dans
"Heureux qui comme Ulysse", il n’est pas question de philosophes mais
ce poème est, lui aussi, très marqué par l’instruction de l’Homme. D’abord, ce
poème est empreint par la lamentation et la mélancolie notamment lorsque
l’auteur dit « hélas » ; Cette interjection placée à la fin du premier
hémistiche, donne une impression de
silence et montre une certaine douleur. Ensuite, le poème est une longue
interrogation sur son futur, on peut percevoir un certain mal-être de la part
de l’auteur aussi quand il dit « Reverrai-je le clos de ma pauvre maison »,
ici, l’adjectif qualificatif « pauvre » n’est pas péjoratif mais
montre l’attachement de l’auteur à son village natal, sa modestie du bonheur.
Plus généralement, ce sonnet se focalise sur deux vers qui présentent deux
grands voyageurs de la mythologie grec : Ulysse et Jason. Ces deux personnages
évoquent alors le voyage et la simplicité de vie, au moyen du champ lexical de
la modestie et de l’humilité comme dans « petit », « pauvre », « maison » ou « clos ». Enfin, nous
comprenons alors, quand il dit «
retourné, plein d’usage et de raison » Ulysse revient d’un long voyage
spirituel et douloureux, et qu’il en revient plus sage, car le voyage enrichit
l’âme et l’esprit. Nous pouvons en conclure que dans ces deux tableaux, la
connaissance prend une place très importante. C’est un des fondements du
mouvement humaniste car pour être bon un Homme se doit d’être instruit.
Dans un second temps, nous allons démontrer que la foi en
Dieu est très marquée dans La Transfiguration ainsi que dans Sonnet pour
Hélène. D’abord, La Transfiguration est une peinture que l’on peut séparer en
deux parties très distinctes. La partie supérieure montre la Transfiguration du
Christ sur le mont Thabor. Il est représenté flottant dans un nuage illuminé
entre les prophètes Moïse et Élie, au-dessus de Pierre, Jacques et Jean. La
partie inférieure montre les apôtres et les croyants qui assistent,
impuissants, à la possession démoniaque du Christ. Ensuite, le point de fuite
est clairement l’illumination du Christ, du fait des couleurs utilisées : elles
sont claires et froides contrairement au reste du tableau, qui est peint avec
des couleurs chaudes et foncées. On obtient alors un effet de contraste très
prononcé qui isole le Christ du reste du tableau, et le met en valeur. Enfin, à
l’aide de ce procédé, Raphaël a voulu montrer que la foi en Dieu est une des
valeurs que l’Humanisme souhaite inculquer aux Hommes. Sonnet pour Hélène est,
quant à lui, un poème nostalgique et réaliste du temps qui passe. D’abord,
Ronsard se projette dans le temps et insiste sur l’âge, notamment quand il dit
« bien vieille », sur la monotonie en
décrivant les occupations calmes de
cette femme, et par l’utilisation de participes présents tels que « dévidant » et « filant », qui évoquent un rythme
lent. Aussi l’évocation de la fin de journée, « au soir », fait penser à la fin
de vie. Ensuite le poète insiste sur le fait que la mort est proche, quand il
écrit « à demi sommeillant », « sous la terre, et fantôme sans os » ou bien
encore « vieille accroupie », ces termes péjoratifs et pathétiques ont une
manière particulière, pour Ronsard, de déclarer son amour à sa bien-aimée,
Hélène. Il lui dit de l’aimer tant qu’il en est encore temps car la vie est
fragile. Il fait également le lien avec la religion « bénissant votre nom »,
afin de lui enseigner la foi en Dieu. Enfin, ce poème peut faire penser à une
fable, par la présence d’une morale, qui a alors une visée didactique. Ronsard
veut ainsi faire comprendre à Hélène qu’il faut profiter du jour présent et
vivre simplement avec ce que l’on a. Il illustre cette morale lorsqu’il
dit « cueillez dès aujourd’hui les roses
de la vie ». Ainsi, dans son poème, Ronsard démontre l’importance de vivre en
toute simplicité, autre valeur humaniste, et de se contenter de ce que l’on
possède car la seule issue d’une vie est la mort.
Pour conclure, ces deux tableaux et poèmes, mettent en
lumière et prônent trois des valeurs du mouvement Humaniste qui sont l’éducation,
la foi en Dieu et la simplicité de vie. Ainsi, ces peintres et poètes qui ont
appartenu au XVIème siècle, ont voulu, en leur temps, montrer à tous l’aspect
primordial de la place de l’Homme dans la société et permettre à ces valeurs de
perdurer dans le temps.